- Marie THOUVENOT, Archives départementales du Morbihan
Vrillettes, poissons d’argent ou encore rongeurs : les professionnels et les passionnés des archives se méfient souvent des petites bêtes. Mais de plus gros animaux sont parfois à l’origine d’altérations du patrimoine écrit et sigillaire.
Le fonds du chapitre cathédral de Vannes, conservé aux Archives départementales du Morbihan, donne ainsi un exemple d’incident canin insolite survenu au XIVe siècle. Le 31 mars 1334, Barthélemy de Mareil, recteur de Plougoumelen, fonde une chapellenie en l’honneur de saint Barthélemy et de saint Michel en l’église cathédrale de Vannes. Jean Le Parisy, évêque de Vannes, donne son approbation et appose son sceau au bas de la décision testamentaire du recteur au côté des sceaux des chanoines Sylvestre Le Parisy et Henri Le Camus. Plus de cinquante ans plus tard, le 23 janvier 1387 n. st, un chien vient à jouer avec le document. Coups de pattes, coups de dents, course-poursuite entre l’animal et son maître ? Les archives ne livrent pas les détails de la scène mais en consignent le résultat : le chien déchire les queues de parchemin sur lesquelles étaient apposés les sceaux.


Deux traces restent aujourd’hui de cet évènement : des coutures bleues au bas de la décision testamentaire de 1334, laissant deviner les attaches des sceaux aujourd’hui disparus ; mais aussi une déclaration de l’official de Vannes datée du jour de l’incident[1]. Dans cette dernière, l’official décrit les faits, déclare avoir vu l’acte intact le jour-même avant sa dégradation et prescrit de lui attribuer la même valeur que si les sceaux étaient encore présents. L’authenticité est donc sauve. Mais le regret reste grand puisqu’aucune empreinte de Jean Le Parisy, Sylvestre Le Parisy et Henri Le Camus ne semble connue à ce jour[2].

Ne tenons pas rigueur au chien briseur de queues. Mais continuons à veiller au bon conditionnement des sceaux et réjouissons-nous de les voir conservés dans des magasins d’archives loin de nos animaux domestiques !
[1] Cf. Archives départementales du Morbihan, 56 G 1.
[2] L’inventaire sommaire du fonds du chapitre cathédral de Vannes mentionne plusieurs documents « jadis scellés » par Jean Le Parisy, Sylvestre Le Parisy et Henri Le Camus, désormais sans sceau. Sur l’un de ces documents – une collation de chapellenie scellée en 1332 n. st. par Sylvestre Le Parisy et Henri Le Camus (cf. Archives départementales du Morbihan, 56 G 1) – quelques fragments d’un des trois sceaux de l’acte subsistent sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude l’identité du sigillant. Aucune autre empreinte de l’évêque et des deux chanoines n’est mentionnée dans la collection de sceaux inventoriés par Louis Douët d’Arcq ou dans la thèse de Martine Fabre sur les sceaux bretons (cf. Fabre, Martine, Héraldique médiévale bretonne. Images personnelles (vers 1350-1500). Armoriaux, sceaux, tombeaux : étude et corpus, Paris, Septentrion presses universitaires, 1993, 2 vol.).



